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religion et l’empire des Sarrasins. Le tumulte fut apaisé par la généreuse résolution d’Omar, qui, renonçant à ses prétentions, éleva tout à coup la main, et se déclara le premier sujet du doux et respectable Abubeker. La conjoncture qui était pressante, et l’assentiment du peuple, purent excuser cette mesure illégale et précipitée ; mais Omar lui-même annonça en chaire que, si désormais un musulman osait devancer le suffrage de ses frères, l’électeur et l’élu seraient dignes de mort[1]. Abubeker fut installé sans appareil ; Médine, la Mecque et les provinces d’Arabie lui obéirent. Les Hashemites seuls lui refusèrent le serment de fidélité, et leur chef obstiné se tint enfermé chez lui plus de six mois sans vouloir le reconnaître, et sans faire aucune attention aux menaces d’Omar, qui essaya de brûler la maison de la fille de l’apôtre. La mort de Fatime et l’affaiblissement du parti d’Ali triomphèrent de son indignation : il reconnut enfin le général des fidèles ; il approuva l’excuse de celui-ci, qui fit valoir la nécessité où il s’était trouvé de prévenir leurs ennemis communs, et il refusa sagement la proposition que lui faisait Abubeker, d’abdiquer le gouvernement des Arabes.

  1. Ockley (Hist. of the Saracens, vol. I, p. 5, 6) suppose, d’après un manuscrit arabe, qu’Ayesha n’approuvait point que son père remplaçât l’apôtre. Ce fait, si peu vraisemblable en lui-même, ne se trouve ni dans Abulféda, ni dans Al-Jannabi, ni dans Al-Bochari ; ce dernier cite cependant une tradition sur Ayesha venue d’elle-même (in vit. Mohammed, p. 136 ; Vie de Mahomet, t. III, p. 236).