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Dieu[1]. Du fanatisme à l’imposture le pas est périlleux et glissant. Le Démon de Socrate[2] nous apprend assez jusqu’à quel point un sage peut se tromper lui-même, comment un homme vertueux peut tromper les autres, et de quelle manière la conscience peut s’endormir dans un état mixte entre l’illusion personnelle et la fraude volontaire. La cha-

  1. Les chrétiens se sont avisés assez imprudemment de donner à Mahomet un pigeon privé qui semblait descendre du ciel et lui parler à l’oreille ; comme Grotius appuie sur cette supposition de miracle (De veritate religionis christianæ), son traducteur arabe, le savant Pococke, lui a demandé le nom de ses auteurs ; Grotius a avoué que le fait était inconnu aux musulmans. On a supprimé ce pieux mensonge dans la version arabe, de peur qu’il n’excitât l’indignation et le rire des sectateurs de Mahomet ; mais on l’a conservé, pour l’édification des fidèles, dans les nombreuses éditions du texte latin. (Pococke, Specimen Hist. Arabum, p. 186-187 ; Reland, De religione moham., l. II, c. 39, p. 259-262.)
  2. Εμοι δε το‌υτο εσ‌τιν εκ παiδος αρξαμενον φωνη τις γιγνομενη η οταν γενηται αει αποτρεπει με το‌υτο‌υ ό αν μελλω πραττειν, προτρεπει δε ο‌υποτε. (Platon, in Apolog. Socrat., c. 19, p. 121, 123, édit. Fischer.) Les exemples familiers que Socrate fait valoir dans son Dialogue avec Théages (Platonis opera, t. I, 128, 129, édit. H. Étienne) sont au-dessus de la prévoyance humaine, et l’inspiration divine (le Δαιμονιον) du philosophe se trouve clairement énoncée dans les Memorabilia de Xénophon. Cicéron (De divinat., l. LIV) et les quatorzième et quinzième Dissertations de Maxime de Tyr (p. 153-172, édit. Davis) exposent les idées des platoniciens les plus raisonnables.