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dit ensuite paisiblement le dernier soupir sur un tapis étendu à terre. Ce triste événement arrêta l’expédition ordonnée pour la conquête de la Syrie : l’armée s’était arrêtée aux portes de Médine ; et les chefs étaient rassemblés autour de leur maître mourant. La ville et en particulier la maison du prophète n’offrirent plus que des cris de douleur, ou le silence du désespoir : le fanatisme seul essaya de donner de l’espoir et des consolations. « Notre témoin, notre intercesseur, notre médiateur auprès de Dieu ne peut être mort, s’écriait-on, Dieu en peut être attesté, il n’est pas mort ; comme Moïse et Jésus, plongé dans une sainte extase, il reviendra bientôt auprès de son peuple fidèle. » On ne voulut point admettre le témoignage des sens, et Omar, tirant son cimeterre, menaça d’abattre la tête des infidèles qui oseraient soutenir que le prophète n’était plus. Le crédit et la modération d’Abubeker apaisèrent le tumulte. « Est-ce donc Mahomet, dit-il à Omar et à la multitude, ou le Dieu de Mahomet que vous adorez ? Le Dieu de Mahomet vit à jamais, mais l’apôtre est mortel comme nous, et, selon sa prédiction, il a subi la destinée commune des mortels. » Ses plus proches parens l’inhumèrent pieusement de leurs mains à l’endroit même où il avait rendu le dernier soupir[1]. Sa mort et sa sépulture ont con-

  1. Les Grecs et les Latins ont inventé et répandu cette fable ridicule que de forts aimants tiennent le tombeau de Mahomet suspendu à la voûte du temple de la Mecque, σημα μετεωριζομενον. (Laonicus Chalcocondyles, De rebus