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monta en chaire, et peignit avec un transport prophétique le bonheur des soldats qui avaient perdu la vie pour la cause de Dieu ; mais en particulier il laissa voir les sentimens de la nature ; on le surprit pleurant sur la fille de Zeid. « Qu’est-ce que je vois, lui dit un de ses disciples étonné ? Vous voyez, lui répondit l’apôtre, un ami qui pleure la mort de son plus fidèle ami. » Après la conquête de la Mecque, le souverain de l’Arabie voulut avoir l’air de prévenir les hostilités d’Héraclius, et il proclama solennellement la guerre contre les Romains, sans essayer de déguiser les fatigues et les dangers de cette entreprise[1]. Les musulmans étaient découragés ; ils observèrent qu’ils manquaient d’argent, de chevaux et de vivres ; ils objectèrent les travaux de la récolte et la chaleur de l’été. « L’enfer est beaucoup plus chaud, leur dit le prophète indigné. » Il ne daigna pas les contraindre au service, mais à son retour, il lança une excommunication de cinquante jours contre les plus coupables. Leur désertion servit à faire ressortir le mérite d’Abubeker, d’Othman et des fidèles serviteurs qui exposèrent leur vie et leur fortune. Dix mille cavaliers et vingt mille fantassins suivirent l’étendard de Mahomet. La marche fut en effet très-pénible ; aux tourmens de la

  1. Nos historiens ordinaires, Abulféda (Vit. Moham., p. 123-127) et Gagnier (Vie de Mahomet, t. III, p. 147-163) racontent l’expédition de Tabuc ; mais nous avons l’avantage de pouvoir ici recourir au Koran (c. 9, p. 154-165), avec les Notes savantes et raisonnables de Sale.