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ardeur le secours de Gabriel et de trois mille anges. Il avait l’œil fixé sur le champ de bataille ; ses soldats mollissaient, et allaient être accablés : en cet instant critique le prophète s’élança de son trône, il monta son cheval, et jeta une poignée de sable dans les airs. « Que leur face soit couverte de confusion ! » s’écria-t-il. Les deux armées, frappées de l’éclat de sa voix, crurent voir l’armée d’anges qu’il avait appelée à son secours[1] : les Koreishites tremblèrent et prirent la fuite : soixante-dix des plus braves furent tués, et soixante-dix captifs ornèrent le premier

    appelé par Gagnier (in Abulféda, c. 27, p. 58 ; Vie de Mahomet, t. II, p. 30-33) umbraculum, une loge de bois avec une porte. Reiske (Annales Moslemici Abulfedæ, p. 23) traduit le même mot arabe par ceux de Solium, Suggestus editior ; et cette différence importe beaucoup à l’honneur de l’interprète et à celui du héros. Je suis fâché de voir avec quel orgueil et avec quelle aigreur Reiske reprend son collaborateur. Sæpe sic vertit, ut integræ paginæ nequeant nisi unâ liturâ corrigi : Arabiæ non satis callebat et carebat judicio critico (J.-J. Reiske, Prodidagmata ad Hagji Chalifæ Tabuleo, p. 228, ad calcem Abulfedæ Syriæ Tabulæ, Leipzig, 1766, in-4o.)

  1. Les expressions vagues du Koran (c. 3, p. 124-125 ; c. 8, p. 9) permettent aux commentateurs de supposer le nombre de mille, trois mille ou neuf mille anges ; le plus petit suffisait sans doute pour massacrer soixante-dix Koreishites (Maracci, Alcoran, t. II, p. 131). Au reste, les scholiastes avouent qu’aucun œil mortel n’aperçut cette troupe angélique (Maracci, p. 297). Ils raffinent sur les mots : « Non pas toi, mais Dieu, etc. » (c. 8, 16) ; d’Herbelot, Bibl. orient., p. 600, 601.