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soit en qualité d’épouses, soit en qualité de concubines ; il leur montrait, dans la jouissance de la fortune et de la beauté, un faible échantillon des joies du paradis destinées aux braves martyrs de la foi. « Le glaive, leur disait-il, est la clef du ciel et de l’enfer : une goutte de sang versée pour la cause de Dieu, une nuit passée sous les armes, seront plus comptées que deux mois de jeûnes ou de prières ; celui qui périra dans une bataille obtiendra le pardon de ses péchés ; au dernier jour, ses blessures seront éclatantes comme le vermillon, parfumées comme le musc ; des ailes d’anges et de chérubins remplaceront les membres qu’il aura perdus. » Il sut ainsi enflammer d’enthousiasme l’âme intrépide des Arabes. Le tableau d’un monde invisible se peignait fortement à leur imagination, et la mort qu’ils avaient toujours méprisée devint l’objet de leurs espérances et de leurs désirs. Le Koran enseigne, dans l’acception la plus absolue, les dogmes de la prédestination et de la fatalité qui éteindraient l’industrie et la vertu si l’homme réglait sa conduite sur ses opinions : cependant ces dogmes ont exalté dans tous les temps le courage des Sarrasins et des Turcs. Les premiers compagnons de Mahomet marchaient au combat avec une confiance intrépide ; il n’y a pas de danger où il n’y a pas de hasard ; s’ils étaient prédestinés à mourir dans leurs lits, ils devaient être en sûreté et invulnérables au milieu des traits des combattans[1].

  1. Le Koran (c. 3, p. 52, 53 ; c. 4, p. 70, etc, avec les