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HISTOIRE DE LA DÉCADENCE

depuis les montagnes d’Arménie jusqu’au golfe Persique. Il navigua le premier sur cette mer éloignée ; et de tous les généraux romains il est le seul qui ait jamais joui de cet honneur : ses flottes ravagèrent les côtes de l’Arabie. Enfin Trajan se flatta qu’il touchait déjà aux rivages de l’Inde[1]. Chaque jour le sénat étonné entendait parler de noms jusque alors inconnus, et de nouveaux peuples qui reconnaissaient la puissance de Rome : il apprit que les rois du Bosphore, de Colchos, d’Ibérie, d’Albanie, d’Osrhoène, que le souverain des Parthes lui-même, tenaient leurs diadèmes des mains de l’empereur ; que les Mèdes et les habitans des montagnes de Carduchie avaient imploré sa protection, et que les riches contrées de l’Arménie, de la Mésopotamie et de l’Assyrie étaient réduites en provinces[2]. Mais la mort de Trajan obscurcit bientôt ces brillans tableaux, et l’on eut tout lieu de craindre que des nations si éloignées ne secouassent bientôt un joug inaccoutumé, dès qu’elles n’avaient plus à redouter la main puissante qui le leur avait imposé.

On rapportait que lorsque le Capitole avait été fondé par un des anciens rois de Rome, le dieu Terme seul, parmi les divinités inférieures, avait refusé de céder sa place à Jupiter même. Ce dieu présidait aux limites, et, selon l’usage de ces temps

  1. Eutrope et Sextus Rufus ont tâché de perpétuer cette illusion. Voy. une dissertation très-ingénieuse de M. Fréret dans les Mém. de l’Académie des inscriptions, t. XXI, p. 55.
  2. Dion Cassius, l. LXVIII, et les abréviateurs.