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déjà les soldats tournent leurs armes contre sa personne. « Votre courage, reprend Alexandre d’un air encore plus fier, se déploierait bien plus noblement dans un champ de bataille. Vous pouvez m’ôter la vie : n’espérez pas m’intimider ; le glaive de la justice punirait votre crime, et vengerait ma mort. » Les cris redoublaient, lorsque l’empereur prononça à haute voix la sentence décisive : « Bourgeois, posez les armes, et que chacun de vous se retire dans sa demeure. »

La tempête fut à l’instant apaisée. Les soldats, consternés et couverts de honte, reconnurent la justice de leur arrêt et le pouvoir de la discipline, déposèrent leurs armes et leurs drapeaux, et se rendirent en confusion, non dans leur camp, mais dans différentes auberges de la ville. Alexandre eut le plaisir de contempler pendant trente jours leur repentir ; et il ne les rétablit dans leur grade qu’après avoir puni du dernier supplice les tribuns, dont la connivence avait occasionné la révolte. La légion, pénétrée de reconnaissance, servit l’empereur tant qu’il vécut, et le vengea après sa mort[1].

Défauts de son règne et de son caractère.

En général, un moment décide des résolutions de la multitude, et le caprice de la passion pouvait également déterminer cette légion séditieuse à déposer ses armes aux pieds de son maître, ou à les plonger dans son sein. Peut-être découvririons-nous les causes secrètes de l’intrépidité du prince et de l’obéissance forcée

  1. Hist. Aug., p. 132.