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l’état[1]. Ce fut ainsi qu’il employa les voies les plus douces pour inspirer à la multitude indocile des idées de devoir, et pour faire revivre au moins une faible image de cette discipline à laquelle la république avait été redevable de ses succès sur tant de nations aussi belliqueuses et plus puissantes que les Romains. Mais ce sage empereur vit échouer tous ses projets : son courage lui devint fatal, et tous ses efforts ne servirent qu’à irriter les maux qu’il se proposait de guérir.

Sédition des gardes prétoriennes et meurtre d’Ulpien.

Les prétoriens étaient sincèrement attachés au jeune Alexandre ; ils l’aimaient comme un tendre pupille qu’ils avaient arraché à la fureur d’un tyran, et placé sur le trône impérial. Cet aimable prince n’avait point oublié leurs services ; mais, comme la justice et la raison mettaient des bornes à sa reconnaissance, les prétoriens furent bientôt plus mécontens des vertus d’Alexandre qu’ils ne l’avaient été des vices d’Héliogabale. Le sage Ulpien, leur préfet, respectait les lois et avait gagné l’amour des citoyens ; il s’attira la haine des soldats, qui attribuèrent tous les plans de réforme à ses conseils pernicieux. Un léger accident changea leur mécontentement en fureur : ils tournèrent leurs armes contre le peuple qui, reconnaissant, voulait défendre la vie de cet

  1. L’empereur avait coutume de dire : « Se milites magis servare quàm se ipsum, quòd salus publica in his esset. » Hist. Aug., p. 130.