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cuter par la force ce qu’il n’avait pu obtenir par des voies détournées. Une sentence despotique, émanée de la cour, dégrada tout à coup Alexandre du rang et des honneurs de César. Le sénat ne répondit aux ordres du souverain que par un profond silence. Dans le camp, on vit s’élever aussitôt un furieux orage. Les gardes prétoriennes jurèrent de protéger Alexandre, et de venger la majesté du trône indignement violée. Les pleurs et les promesses d’Héliogabale, qui les conjurait en tremblant d’épargner sa vie, et de le laisser en possession de son cher Hiéroclès, suspendirent leur juste indignation ; ils chargèrent seulement leur préfet de veiller aux actions de l’empereur et à la sûreté du fils de Mammée[1].

Sédition des gardes et meurtre d’Héliogabale. A. D. 222, 10 mars.

Une pareille réconciliation ne pouvait durer long-temps : il eût été impossible même au vil Héliogabale de régner à des conditions si humiliantes, il entreprit bientôt de sonder, par une épreuve dangereuse, les dispositions des troupes. Le bruit de la mort d’Alexandre excite dans le camp une rebellion : on se persuade que ce jeune prince vient d’être massacré : sa présence seule et son autorité rétablissent le calme. L’empereur, irrité de cette nouvelle marque de mépris pour sa personne et d’affection pour son cousin, osa livrer au supplice quelques-uns des chefs de la sédition. Cette rigueur déplacée lui coûta la vie, et

  1. Dion, l. LXXIX, p. 1365 ; Hérodien, l. V, p. 195-201 ; Hist. Aug., p. 195. Le dernier de ces trois historiens semble avoir suivi les meilleurs auteurs dans le récit de la révolution.