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Mépris que les tyrans de Rome avaient pour les lois de la décence.

Les vices et les folies de ce prince ont été probablement exagérés par l’imagination, et noircis par la calomnie[1]. Cependant bornons-nous aux scènes publiques dont tout un peuple a été témoin, et qui sont attestées par des contemporains dignes de foi. Aucun autre siècle n’en a présenté de si révoltantes, et Rome est le seul théâtre où elles aient jamais paru. Les débauches d’un sultan sont ensevelies dans l’ombre de son sérail : des murs inaccessibles les dérobent à l’œil de la curiosité. Dans les cours européennes, l’honneur et la galanterie ont introduit de la délicatesse dans le plaisir, des égards pour la décence, et du respect pour l’opinion publique. Mais dans une ville où tant de nations apportaient sans cesse des mœurs si différentes, les citoyens riches et corrompus adoptaient tous les vices que ce mélange monstrueux devait nécessairement produire ; sûrs de l’impunité, insensibles aux reproches, ils vivaient sans contrainte dans la société humble et soumise de leurs esclaves et de leurs parasites. De son côté, l’empereur regardait tous ses sujets avec le même mépris, et maintenait sans contradiction le souverain privilége que lui donnait son rang de se livrer au luxe et à la débauche.

    sions. Ces trois ministres et plusieurs autres officiers inférieurs étaient recommandables enormitate membrorum. Voy. l’Histoire Auguste, p. 105.

  1. Le crédule compilateur de sa vie est lui-même porté à croire que ses vices peuvent avoir été exagérés. (Hist. Aug., p. 111)