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que la nature elle-même a prescrites : la volupté lui paraît mille fois plus séduisante, lorsque embellie par le charme de la société et par des liaisons aimables, elle vient encore se plaindre à ses yeux sous les traits adoucis du goût et de l’imagination. Mais Élagabale (je parle de l’empereur Héliogabale), corrompu par des prospérités, par les passions de la jeunesse et par l’éducation de son pays, se livra, sans aucune retenue, aux excès les plus honteux : bientôt le dégoût et la satiété empoisonnèrent ses plaisirs. L’art et les illusions les plus fortes qu’il puisse enfanter, furent appelés au secours de ce prince. Les vins les plus exquis, les mets les plus recherchés, réveillaient ses sens assoupis ; tandis que les femmes s’efforçaient, par leur lubricité, de ranimer ses désirs languissans. Des raffinemens sans cesse variés, étaient l’objet d’une étude particulière. De nouvelles expressions et de nouvelles découvertes dans cette espèce de science, la seule qui fût cultivée et encouragée par le monarque[1], signalèrent son règne, et le couvrirent d’opprobre aux yeux de la postérité. Le caprice et la prodigalité tenaient lieu de goût et d’élégance ; et lorsque Héliogabale répandait avec profusion les trésors de l’état pour satisfaire à ses folles dépenses, ses propres discours, répétés par ses flat-

  1. La découverte d’un nouveau mets était magnifiquement récompensée ; mais s’il ne plaisait pas, l’inventeur était condamné à ne manger que de son plat, jusqu’à ce qu’il en eût imaginé un autre qui flattât davantage le goût de l’empereur. (Hist. Aug., p. 112.)