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maux qui désolèrent l’état après sa mort. S’il eût été capable de réfléchir sur les suites naturelles de sa conduite, la triste perspective des calamités qu’il léguait à ses successeurs, aurait peut-être eu de nouveaux charmes pour cet indigne tyran.

Macrin entreprend la réforme des troupes.

Macrin usa d’abord de la plus grande circonspection dans une réforme devenue indispensable : ses mesures paraissaient devoir fermer aisément les plaies de l’état, et rendre, d’une manière imperceptible, aux armées romaines leur première vigueur. Contraint de laisser aux anciens soldats les priviléges dangereux et la paye extravagante que leur avait donnés Caracalla, il obligea les recrues à se soumettre aux établissemens plus modérés de Sévère, et il les accoutuma par degrés à la modération et à l’obéissance[1]. Une faute irréparable détruisit les effets salutaires de ce plan judicieux. Au lieu de disperser immédiatement dans différentes provinces la nombreuse armée que le dernier empereur avait assemblée en Orient, Macrin la laissa en Syrie pendant l’hiver qui suivit son avènement. Au milieu des plaisirs d’un camp où régnaient le luxe et l’oisiveté, les troupes s’aperçurent de leur nombre et de leur force redoutable, se communiquèrent leurs sujets de plaintes, et calculèrent dans leur esprit les avan-

  1. Dion, l. LXXXIII, p. 1336. Le sens de l’auteur est aussi clair que l’intention du prince ; mais M. Wotton n’a compris ni l’un ni l’autre en appliquant la distinction, non aux vétérans et aux recrues, mais aux anciennes et aux nouvelles légions. Histoire de Rome, p. 347.