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Remords et cruautés de Caracalla.

Le crime de Caracalla ne demeura pas impuni. Ni les occupations, ni les plaisirs, ni la flatterie, ne purent le soustraire aux remords déchirans d’une conscience coupable ; et dans l’horreur des tourmens qui déchiraient son âme, il avouait que souvent le front sévère de son père et l’ombre sanglante de Géta se présentaient à son imagination troublée. Il croyait les voir sortir tout à coup de leurs tombeaux ; il croyait entendre leurs reproches et les menaces effrayantes dont ils l’accablaient[1]. Ces images terribles auraient dû l’engager à tâcher de convaincre le monde par les vertus de son règne, qu’une nécessité fatale l’avait seule précipité dans un crime involontaire ; mais le repentir de Caracalla ne fit que le porter à exterminer tout ce qui pouvait lui rappeler son crime et le souvenir de son frère assassiné. À son retour du sénat, il trouva dans le palais sa mère entourée de plusieurs matrones respectables par leur naissance et par leur dignité, qui toutes déploraient le destin d’un prince moissonné à la fleur de son âge. L’empereur furieux les menaça de leur faire subir le même sort. Fadilla, la dernière des filles de Marc-Aurèle, mourut en effet par l’ordre du tyran ; et

    Géta, le témoignage des écrivains de son temps vient à l’appui : il aimait trop les plaisirs de la table, et se montrait plein de méfiance pour son frère ; mais il était humain, instruit ; il chercha souvent à adoucir les ordres rigoureux de Sévère et de Caracalla. Hérod., l. IV, c. 3 ; Spartien, in Geta, c. 4. (Note de l’Éditeur.)

  1. Dion, l. LXXVII, p. 1307.