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tenaient de réconciliation et de paix, quelques centurions qui avaient trouvé moyen de se cacher dans l’appartement, fondirent, l’épée à la main, sur l’infortuné Géta. Sa mère éperdue s’efforce, en l’entourant de ses bras, de le soustraire au danger ; mais tous ses efforts sont inutiles ; blessée elle-même à la main, elle est couverte du sang de Géta ; et elle aperçoit le frère impitoyable de ce malheureux prince, animant les meurtriers et leur montrant lui-même l’exemple[1]. Dès que ce forfait eut été commis, Caracalla, l’horreur peinte dans toute sa contenance, courut avec précipitation se réfugier dans le camp des prétoriens, comme dans son unique asile ; il se prosterna aux pieds des statues des dieux tutélaires[2]. Les soldats entreprirent de le relever et de le consoler. Il leur apprit en quelques mots pleins de trouble et souvent interrompus, qu’il avait eu le bonheur d’échapper à un danger imminent ; et, après leur avoir insinué qu’il avait prévenu les desseins cruels de son ennemi, il leur déclara qu’il était ré-

  1. Caracalla consacra dans le temple de Sérapis l’épée avec laquelle il se vantait d’avoir tué son frère Géta. (Dion, l. LXXVII, p. 1307.)
  2. Hérodien, l. IV, p. 147. Dans tous les camps romains, on élevait, près du quartier général, une petite chapelle où les divinités tutélaires étaient gardées et adorées. Les aigles et les autres enseignes militaires tenaient le premier rang parmi ces divinités : institution excellente, qui affermissait la discipline par la sanction de la religion. Voyez Juste-Lipse, De militiâ romanâ, IV, 5, V, 2.