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HISTOIRE DE LA DÉCADENCE

Niger, dans son gouvernement, gagna l’estime des troupes et l’amour de la province. Sa discipline rigide affermissait la valeur, et fixait l’obéissance des soldats, tandis que les voluptueux Syriens se laissaient charmer, moins par la douce fermeté de son administration, que par l’affabilité de ses manières, et le goût qu’il paraissait prendre à leurs fêtes splendides et nombreuses[1].

Dès que l’on apprit à Antioche le meurtre atroce de Pertinax, toute l’Asie se tourna vers Niger, pour l’inviter à venger la mort de ce prince, et le désigna comme son successeur au trône. Les légions de l’Orient embrassèrent sa cause. Depuis les frontières d’Éthiopie[2] jusqu’à la mer Adriatique, les provinces riches, mais désarmées, de cette partie de l’empire, se soumirent avec joie à son obéissance. Enfin les rois dont les états étaient situés au-delà du Tigre et de l’Euphrate, le félicitèrent sur son élection, et lui offrirent leurs services.

Niger, comblé tout à coup des biens de la fortune, n’avait point l’âme assez forte pour soutenir

  1. Hérodien, l. II, p. 68. On voit dans la Chronique de Jean Malala, d’Antioche, combien ses compatriotes étaient attachés à leurs fêtes, qui satisfaisaient à la fois leur superstition et leur amour pour le plaisir.
  2. L’Hist. Auguste parle d’un roi de Thèbes, en Égypte, allié et ami personnel de Niger. Si Spartien ne s’est pas trompé, ce que j’ai beaucoup de peine à croire, il a fait paraître une dynastie de princes tributaires entièrement inconnus aux historiens.