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DE L’EMPIRE ROMAIN. CHAP. V.

la noblesse de son extraction : il comptait parmi ses ancêtres plusieurs des citoyens les plus illustres de l’ancienne république[1] ; mais la branche dont il descendait, persécutée par la fortune, avait été transplantée dans une province éloignée. Il est difficile de se former une idée juste de son véritable caractère. On lui reproche d’avoir caché sous le manteau d’un philosophe austère la plupart des vices qui dégradent la nature humaine[2] ; mais ses accusateurs étaient des écrivains mercenaires, adorateurs de la fortune de Sévère, et qui foulaient aux pieds les cendres de son rival malheureux. La vertu d’Albinus, ou des apparences de vertu lui avaient attiré l’estime et la confiance de Marc-Aurèle ; et s’il conserva la même influence sur l’esprit du fils, on en pourrait conclure au moins qu’il était doué d’un caractère très-flexible. La faveur d’un tyran ne suppose pas toujours un défaut de mérite dans celui qui en est l’objet : souvent le hasard, le caprice, la nécessité des affaires publiques ont porté des princes à récompenser des talens et des vertus qu’ils étaient bien éloignés eux-mêmes de posséder.

  1. Les Posthumiens et les Céjoniens. Un citoyen de la famille posthumienne fut élevé au consulat dans la cinquième année après son institution.
  2. Spartien, dans son indigeste compilation, fait un mélange de toutes les vertus et de tous les vices qui composent la nature humaine, et il en charge un seul individu. C’est dans cet esprit qu’ont été dessinés la plupart des portraits de l’Histoire Auguste.