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HISTOIRE DE LA DÉCADENCE

lui de la nation, promit au prince de lui être à jamais fidèle, et le revêtit de tous les pouvoirs attachés à la dignité impériale[1].

Il prend possession du palais.

Du sénat, Julianus, accompagné du même cortège militaire, alla prendre possession du palais : les premiers objets qui frappèrent ses regards, furent le corps sanglant de Pertinax, et le repas frugal préparé pour son souper. Il regarda l’un avec indifférence, l’autre avec mépris. Il ordonna une fête magnifique, et il s’amusa jusque bien avant dans la nuit à jouer aux dés et à voir les danses du célèbre Pylades. Cependant, lorsque la foule des courtisans se fut retirée, l’on observa que ce prince, laissé en proie à de terribles réflexions dans les ténèbres et dans la solitude, ne put goûter les douceurs du sommeil ; il repassait probablement dans son esprit sa folle démarche, le sort de son vertueux prédécesseur, et ne se dissimulait pas combien était incertaine la possession d’un sceptre que l’argent et non le mérite lui avait mis entre les mains[2].

  1. Hist. Aug., p. 61. Nous apprenons par là une circonstance assez curieuse : un empereur, quelle que fût sa naissance, était reçu immédiatement après son élection au nombre des patriciens.
  2. Dion, l. LXXIII, p. 1235 ; Hist. Aug., p. 61. J’ai cherché à concilier les contradictions apparentes de ces historiens (*).
    (*) Ces contradictions ne sont point conciliées et ne peuvent l’être, car elles sont réelles. Voici le passage de l’Histoire Auguste :
    Etiam hi primùm qui Julianum odisse cœperant, disseminârunt, prunâ statim sic Pertinacis cœnâ despectâ, luxuriosum parasse convivium ostreis et alitibus et piscibus adornatum, quod falsum fuisse constat,