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DE L’EMPIRE ROMAIN. CHAP. III.

laquelle le bonheur d’un peuple immense ait été l’unique objet du gouvernement.

Caractère et règne d’Antonin-le-Pieux.

C’est avec raison que Titus-Antonin a été nommé un second Numa. Le même zèle pour la religion, la justice et la paix, caractérisait ces deux princes ; mais la situation de l’empereur ouvrait un champ bien plus vaste à ses vertus. Les soins de Numa se bornaient à empêcher les habitans grossiers de quelques villages de piller les campagnes et de détruire la récolte de leurs voisins. Antonin maintenait l’ordre et la tranquillité dans la plus grande partie de la terre. Son règne a le rare avantage de ne fournir qu’un très-petit nombre de matériaux à l’histoire, ce tableau effrayant des crimes, des forfaits et des malheurs du genre humain. C’était un homme aimable autant que bon dans sa vie privée ; sa vertu simple et naturelle fuyait la vanité et l’affectation. Il jouissait avec modération des avantages attachés à son rang ; et, au milieu des plaisirs innocens[1] qu’il partageait avec ses concitoyens, la sensibilité de cette âme bienfaisante se peignait, avec une douce majesté, sur un front toujours serein.

De Marc-Aurèle.

La vertu de Marc-Aurèle Antonin paraissait plus austère et plus travaillée[2]. Elle était le fruit de

  1. Ce prince aimait les spectacles, et n’était point insensible aux charmes du beau sexe. Marc-Aurèle, I, 16, Histoire Auguste, p. 20, 21 ; Julien, dans les Césars.
  2. Marc-Aurèle a été accusé d’hypocrisie, et ses ennemis lui ont reproché de n’avoir point eu cette simplicité qui caractérisait Antonin-le-Pieux, et même Verus (Hist. Aug.,