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HISTOIRE DE LA DÉCADENCE

un prince excellent, un sophiste ridicule et un tyran jaloux de son autorité : en général sa conduite avait pour base une modération et une équité bien recommandables. Cependant il fit mourir, dans les premiers jours de son règne, quatre sénateurs consulaires, ses ennemis personnels, et qui avaient paru dignes de l’empire. Tourmenté sur la fin de sa vie par une maladie longue et douloureuse, il devint farouche et cruel ; le sénat ne savait même s’il devait le placer au rang des dieux, ou le confondre parmi les tyrans ; et les honneurs rendus à sa mémoire ne furent accordés qu’aux vives sollicitations d’Antonin-le-Pieux[1].

Adoption des deux Verus.

Adrien ne consulta d’abord qu’un caprice aveugle pour le choix de son successeur. Après avoir jeté les yeux sur plusieurs citoyens d’un mérite distingué, qu’il estimait et qu’il haïssait, il adopta Elius Verus, jeune seigneur livré au plaisir, dont la grande beauté était une recommandation puissante auprès de l’amant d’Antinoüs[2]. Mais tandis que l’empereur s’applaudissait de son choix et des accla-

  1. Dion, l. LXX, p. 1171 ; Aurel.-Victor.
  2. La déification, les médailles, les statues, les temples, les villes, les oracles et la constellation d’Antinoüs, sont bien connus, et déshonorent, aux yeux de la postérité, la mémoire de l’empereur Adrien. Cependant nous pouvons remarquer que, des quinze premiers Césars, Claude fut le seul dont les amours n’aient pas fait rougir la nature. Pour les honneurs rendus à Antinoüs, voyez Spanheim, Commentaires sur les Césars de Julien, p. 80.