Page:Gibbon - Histoire de la décadence et de la chute de l'Empire romain, traduction Guizot, tome 1.djvu/206

Cette page a été validée par deux contributeurs.
198
HISTOIRE DE LA DÉCADENCE

des successeurs d’Auguste. Ce fut un motif de défense personnelle, et non un principe de liberté, qui anima les meurtriers de Caligula, de Néron et de Domitien. Ils attaquèrent le tyran, sans diriger leur coup contre l’autorité de l’empereur.

Tentative du sénat après la mort de Caligula.

L’histoire nous présente cependant une époque mémorable où le sénat, après un silence de soixante-dix ans, s’éleva tout à coup, et fit de vains efforts pour réclamer des droits si long-temps oubliés. Les consuls convoquèrent cette respectable assemblée dans le Capitole, lorsque le trône devint vacant par le meurtre de Caligula : ils condamnèrent la mémoire des Césars, et donnèrent le mot de liberté pour mot de ralliement au petit nombre de cohortes qui paraissaient vouloir suivre leurs étendards. Enfin, pendant quarante-huit heures, ils agirent comme les chefs indépendans d’une constitution libre ; mais tandis qu’ils délibéraient, les gardes prétoriennes avaient pris leur résolution. L’imbécille Claude, frère de Germanicus, était déjà dans leur camp, revêtu de la pourpre impériale, et disposé à soutenir son élection les armes à la main. Cette lueur de liberté disparut, et le sénat n’aperçut de tous côtés que les horreurs d’une servitude inévitable. Abandonnée par le peuple, menacée par les troupes, cette faible assemblée fut forcée de ratifier le choix des prétoriens, trop heureuse de pouvoir profiter d’une amnistie que Claude eut la prudence d’offrir, et la générosité d’observer[1].

  1. Nous ne pouvons trop regretter l’endroit de Tacite qui