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DE L’EMPIRE ROMAIN. CHAP. III.

à tous ceux de ses princes dont la conduite et la mort n’avaient point été celles des tyrans ; et les cérémonies de l’apothéose[1] accompagnaient la pompe des funérailles. Cette profanation légale, mais si contraire à la nature, si opposée à nos principes, n’excita qu’un faible murmure[2] dans un siècle où le polythéisme avait tant multiplié les objets sacrés. Elle fut d’ailleurs reçue plutôt comme institution politique que comme institution religieuse. Ce serait dégrader les Antonins que de mettre leurs vertus en parallèle avec les vices de Jupiter ou d’Hercule : le caractère même de César ou d’Auguste était bien supérieur à celui des divinités populaires. Ces princes d’ailleurs vivaient dans un siècle trop éclairé, et leurs actions avaient trop d’éclat pour que l’histoire de leur vie fût mêlée de ces fables et de ces mystères qu’exige la dévotion du peuple : à peine leur divinité eut-elle été établie par les lois, qu’elle tomba dans l’oubli, sans contribuer à leur réputation, ou à la dignité de leurs successeurs.

Titre d’Auguste et de César.

Lorsque nous avons examiné toutes les parties

  1. Les bons princes ne furent pas les seuls qui obtinssent les honneurs de l’apothéose ; on les déféra à plusieurs tyrans. (Voyez un excellent traité de Schæpflin, De consecratione imperatorum romanorum dans ses Commentationes historicæ et criticæ. Bâle, 1741, p. 1, 84.) (Note de l’Éditeur.)
  2. Voyez Cicéron, Philip, I, 6 ; Julien, in Cæsaribus :

    Inque Deum templis jurabit Roma per umbras,

    s’écrie Lucain indigné ; mais cette indignation est celle d’un patriote, et non d’un dévot.