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DE L’EMPIRE ROMAIN. CHAP. III.

rement consacrée au plaisir. Avec sa puissance, le sénat avait perdu sa dignité ; un grand nombre des plus nobles familles étaient éteintes ; ce qui restait de républicains utiles et zélés, avait péri dans les proscriptions ou les armes à la main, et cette assemblée, ouverte à dessein à une multitude sans choix, était actuellement composée de plus de mille personnes, qui déshonoraient leur rang, au lieu d’en être honorées[1].

Il réforme le sénat.

Lorsque Auguste n’eut plus d’ennemis, il montra, par le soin qu’il prit de réformer le sénat, qu’il ne voulait pas être le tyran de sa patrie, mais qu’il aspirait à en être le père. Élu censeur, de concert avec son fidèle Agrippa, il examina la liste des sénateurs, il en chassa un petit nombre, dont les vices ou l’opiniâtreté exigeaient un exemple public. Près de deux cents, à sa persuasion, prévinrent, par une retraite volontaire, la honte d’une expulsion. Il fut ordonné que l’on ne pourrait entrer dans le sénat sans posséder environ dix mille livres sterling. De nouvelles familles patriciennes remplirent le vide qu’avaient occasionné les fureurs des guerres civiles. Enfin Auguste se fit nommer prince du sénat, titre honorable, que les censeurs n’avaient jamais donné qu’au citoyen le plus distingué par son crédit et par ses

  1. Jules César introduisit dans le sénat des soldats, des étrangers et des hommes encore à demi barbares. (Suétone, Vie de César, c. 77, 80.) Après sa mort, cet abus devint encore plus scandaleux.