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HISTOIRE DE LA DÉCADENCE

les mains des nations étrangères et ennemies[1]. Un écrivain connu par un esprit de recherche, mais naturellement porté à la censure, fait monter la perte annuelle à plus de huit cent mille liv. sterl. [2] ; mais c’était le cri d’un esprit inquiet, qui, livré à la mélancolie, croyait sans cesse voir approcher la pauvreté ; et si nous comparons la proportion qui existait entre l’or et l’argent, du temps de Pline et sous le règne de Constantin, nous trouverons à cette dernière époque le numéraire considérablement augmenté[3]. Rien ne nous porte à croire que l’or fût devenu plus rare ; il est donc évident que l’argent était plus commun. Ainsi, quelles qu’aient été les sommes exportées dans l’Arabie et dans l’Inde, elles furent bien loin d’épuiser les richesses de l’empire, et les mines fournirent toujours au commerce des ressources immenses.

Félicité générale.

Malgré le penchant qu’ont tous les hommes à vanter le passé et à se plaindre du présent, les Romains et les habitans des provinces sentaient vivement et reconnaissaient de bonne foi l’état heureux et tranquille dont ils jouissaient. « Ils conviennent tous que

  1. Tacite, Ann. III, 52, dans un discours de Tibère.
  2. Pline, Hist. nat., XII, 18. Dans un autre endroit, il calcule la moitié de cette somme ; quingenties H. S. pour l’Inde, sans comprendre l’Arabie.
  3. La proportion, qui était de un à dix et à douze et demi, s’éleva jusqu’à quatorze et deux cinquièmes, par une loi de Constantin. Voy. les Tables d’Arbuthnot, sur les anciennes monnaies, c. 5.