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Histoire de Dom B…


le n’eſt pas plus agitée par le vent que mon cœur l’étoit alors par la crainte. Cependant tout étoit calme, & cette Françoiſe qui étoit ſur le lit, pleuroit, & jettoit de profonds ſoupirs. Tout cela mettoit mes idées dans une confuſion incroyable. Que penſer de ces pleurs ? Pourquoi Françoiſe pouſſe-t’elle des ſoupirs ? Pourquoi eſt-elle revenuë ? Le Curé viendra-t’il, ne viendra-t’il pas ? Ah, que l’incertitude eſt une peine cruelle ! Il me venoit de tems en tems des envies de ſortir ; mais la crainte d’être rencontré par le Paſteur me retenoit toujours dans mon poſte : j’en ſortis à la fin, j’allois m’évader, le diable m’arrêta, j’entendois quelque choſe au fond de mon cœur qui me diſoit : tu vas te coucher, nigaud, & tu bandes encore : tu as le courage d’abandonner Françoiſe à ſon chagrin, tu crains de la conſoler, c’eſt bien la moindre choſe que tu lui doive : elle t’a accablé de careſſes ſi tendres, refuſeras-tu d’eſſuyer ſes larmes ? Elle eſt vieille, d’accord, laide, ſoit : mais n’a-t’elle pas un Con, nigaud ; ma foi, Seigneur Diable, vous aviés raiſon.