me deſolois : Ciel ! m’écriois-je au fond
de mon cœur, je ſuis avec Suzon,
j’aurois donné mon ſang pour joüir de ce
bonheur, j’y ſuis, & je ne puis en profiter,
je ſuis épuiſé, je n’ai pas même
la force de former un deſir ! Hélas,
de quoi me ſerviroit-il d’en former, ſi
je n’ai pas celle de les ſatisfaire. Au
milieu de cette confuſion de penſée,
je me reſſouvins des paſtilles que Madame
Dinville m’avoit données ; je jugeai
que l’effet devoit en être ſemblable
à celui de ſon eau, ne doutant pas
qu’il ne fut auſſi prompt, j’en avalai
quelques-unes. L’eſpoir de déſabuſer
bien-tôt Suzon me la fit embraſſer avec
une ardeur qui nous trompa tous deux :
Suzon qui la prit pour un témoignage
de mon amour, & moi qui la regardai
comme une marque du retour de ma
vigueur. Suzon abuſée par l’idée du
plaiſir, qu’elle comptoit que j’allois lui
donner, tomba ſur ſon lit à demi pâmée.
Quoique je me defiaſſe encore de
moi-même, j’aurois cru l’accabler de
douleur, ſi je ne m’étois pas mis en état
de juſtifier l’eſpérance qu’elle venoit de
concevoir : je me couchai ſur elle, &
collant ma bouche ſur ſa bouche, je
lui mis mon Vit dans la main ; il étoit
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