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Portier des Chartreux.

mon extaſe, & retourna au trou de la cloiſon, il n’étoit plus tems ; le dernier coup étoit joüé, la partie étoit finie. Toinette ſe r’habilloit, le Pere l’étoit déja.

Je reſtai quelque tems, l’eſprit & le cœur remplis de l’aventure dont je venois d’être témoin, & dans cet eſpéce d’étourdiſſement qu’éprouve un homme qui vient d’être frapé par l’éclat d’une lumiere étrangere. J’allois de ſurpriſe en ſurpriſe : les connoiſſances que la nature avoit miſes dans mon cœur venoient de ſe développer, les nuages dont elle les avoit couvertes s’étoient diſſipées. Je reconnus la cauſe des différens ſentimens que j’éprouvois tous les jours à la vûë des femmes. Ces paſſages imperceptibles de la tranquillité aux mouvemens les plus vifs de l’indifférence, aux déſirs, n’étoient plus des énigmes pour moi. Ah ! m’écriai-je ; qu’ils étoient heureux ! la joye les tranſportoit tous deux. Il faut que le plaiſir qu’ils goûtoient ſoit bien grand ! Ah… qu’ils étoient heureux ! L’idée de ce bonheur m’abſorboit : elle m’ôtoit pour un moment tout pouvoir d’y réfléchir. Un ſilence profond ſuccédoit à mes exclamations, Ah ! re-