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Portier des Chartreux.


leur, c’étoit dans le cœur de l’été, je fus tout-à-coup reveillé par les violentes ſecouſſes que j’entendis donner à la cloiſon. Je ne ſavois que penſer de ce bruit, il redoubloit : en prêtant l’oreille, j’entendis des ſons émûs & tremblans, des mots ſans ſuitte & mal articulez. Ah… doucement, ma chere Toinette, ne va pas ſi vîte ! Ah ! Coquine… tu me fais mourir de plaiſir, va vîte ! eh vîte ! Ah… je me meurs !

Surpris d’entendre de pareilles exclamations dont je ne ſentois pas toute l’énergie. Je me raſſis : à peine oſois-je remuer. Si l’on m’avoit ſû là, j’avois tout à craindre, je ne ſavois que penſer, j’étois tout ému. L’inquiétude où j’étois fit bien-tôt place à la curioſité. J’entendis de nouveau le même bruit, & je crus diſtinguer qu’un homme & Toinette repétoient alternativement les mêmes mots que j’avois déja entendus : même attention de ma part : l’envie de ſavoir ce qui ſe paſſoit dans cette chambre devint à la fin ſi vive, qu’elle étouffa toutes mes craintes. Je reſolus de ſavoir ce qui en étoit ; je ſerois, je crois, volontiers entré dans la chambre d’Ambroiſe pour voir ce qui

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