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Et le nôtre est si grand, que le fer et le feu, [1240]

Pour nous en garantir sont encore trop peu.

L'État est envahi, mon père en servitude,

Votre zèle amoureux payé d'ingratitude,

Et vous dormez encore prête de succomber,

Au bord du précipice où vous allez tomber ! [1245]

Dieux que fait ce grand coeur, vous voyant méprisée ?

Tournez, tournez les yeux vers la ville embrasée,

Cherchez ce grand palais qui vous était si cher,

Le voyez-vous, madame, ou plutôt un bûcher.

Peignez-vous dans l'esprit des mères désolées ; [1250]

Des enfants égorgés, des filles violées ;

De la flamme, du sang, des temples profanés ;

Des femmes sans honneur, des hommes enchaînés,

Des remparts démolis : et la richesse encore,

Que le soldat emporte ou que le feu dévore ; [1255]

Du bruit, des pleurs, des cris, des charbons et du fer ;

Un désordre effroyable, un tableau de l'enfer ;

Imprimez ces objets en votre fantaisie ;

Et puis figurez-vous que telle est Amasie.

Telle est cette cité que l'on vit autrefois, [1260]

La merveille du monde et le séjour des rois.