Pour moi que le destin fit naître infortunée,
Voyant qu'il a coupé le saint noeud d'hyménée, [1175]
Voyant qu'il a rompu le fil de nos amours,
Je veux trancher encore la trame de mes jours ;
Je veux par mon trépas assouvir la fortune :
Il a cessé d'aimer cessons d'être importune ;
Oui, mon coeur, sans te perdre en regrets superflus, [1180]
Souviens-toi pour mourir qu'on ne nous aime plus.
POLIXENE
Quoi, madame, est-il vrai que vous teniez mon âme,
Capable de brûler d'une illicite flamme ?
L'avez-vous remarqué dans mes déportements ?
Et faites-vous de moi ces mauvais jugements ? [1185]
Quel conseil donnez-vous à mon âme affligée ?
Et pour quelle raison m'avez-vous outragée ?
Ce sang qui coule encore ne vous fait-il point voir,
Si j'estime la vie à l'égal du devoir ?
Vous me voyez en pleurs, vous me voyez blessée, [1190]
Et vous pouvez former cette injuste pensée !
L'honneur et la vertu m'ont fait chercher la mort,
Et vous doutez encore si mon esprit est fort !