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Tant de gens vont chercher votre époux, et mon frère, [1155]

Qu'on le peut découvrir en quelque lieu qu'il soit ;

Et je le tiens perdu, si quelqu'un l'aperçoit.

Ainsi pour les sauver, et vous sauver vous-même,

Cédez, ma soeur, cédez au vainqueur qui vous aime :

Il a raison de suivre un objet si charmant ; [1160]

Oui, dans son inconstance, on voit son jugement ;

Et de quelque douleur que je me trouve atteinte,

Vos yeux font son excuse et condamnent ma plainte,

Je vois également la cause de mes maux,

Et dans votre mérite, et dans tous mes défauts : [1165]

Aussi me voit-on perdre une amitié si chère,

Non pas sans déplaisir, mais au moins sans colère :

Je reçois ma disgrâce avec submission,

Et mon respect s'oppose à mon affliction.

La loi de nos pays lui permet ce divorce : [1170]

Et que ne peuvent point les armes et la force ?

Ainsi donc sagement sauvez de son courroux,

Et mon père, et Tigrane ; en un mot, sauvez-vous.