Page:Georges de Scudéry - L'amour tyrannique.pdf/65

Cette page n’a pas encore été corrigée

Accusez vos appas, accusez la nature,

Vous êtes trop aimable, objet rare et charmant, [970]

Et moi je vois trop clair pour n'être pas amant.

Mais je veux que l'amour soit le seul qui vous force :

Et pour vous posséder je veux faire un divorce,

Par là votre vertu se pourra contenter :

Une double couronne est plaisante à porter : [975]

Songez-y Polixène, et suivez mon envie,

Si vous avez dessein qu'Orosmane ait la vie ;

Donnez-moi votre amour, donnez-moi votre coeur ;

Traitez bien un vaincu, pour l'être du vainqueur.

POLIXENE

Une couronne est belle, elle doit être chère ; [980]

Ce doit être un trésor que les jours d'un beau-père ;

Mais je n'estime point, ni plaisir, ni bonheur,

Ni couronne, ni père, à l'égal de l'honneur.

C'est lui seul que je suis ; c'est lui seul que j'adore ;

Afin de le sauver, que tout périsse encore ; [985]

Père, soeur, et mari, moi-même si tu veux :

Si tu m'ôtes le fer, vois que j'ai des cheveux ;

               Il cherche pour s'étrangler.

Je trouverai la mort pour sortir de misère,

Et rejoindrai bientôt, époux, et soeur, et père.