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Ce qui fait mes plaisirs, fait ses félicités ;

Et son ambition n'en veut qu'à tes beautés.

Ô rage ! Ô désespoir ! Que feras-tu Tigrane ? [605]

À tes yeux, en tes bras, souffrira la rigueur,

Et d'un injuste amant, et d'un lâche vainqueur ?

Quoi, tu pourras souffrir, qu'il entre dans ta couche ?

Tu le verras pâmé sur cette belle bouche ?

Et peut-être qu'encor, pour te faire enrager, [610]

Il te laissera vivre, afin de t'affliger ?

Ha ! Non, non ; meurs plutôt, devance ces misères ;

Va faire ton tombeau, du trône de tes pères,

On t'a vu naître prince, il faut mourir en roi,

Et d'un trépas au moins qui dépende de toi ; [615]

              Il veut se frapper d'un poignard.

Par l'estomac ouvert, mon âme étant ouverte,

Vois comme je me perds, pour ne pas voir ta perte.

POLIXENE

               Elle l'en empêche.

Ha ! Seigneur, est-ce ainsi que vous nous chérissez ?

Vous évitez l'orage, et vous nous y laissez !

En cette extrémité, souffrez que je vous blâme ; [620]

Vous semblez vous résoudre à perdre votre femme :