Voici l'heure où mon coeur perd ta beauté divine ;
Ô funeste accident, pire que le trépas !
Perdant le sceptre seul, je ne me plaindrais pas ;
Cette privation, n'a rien qui m'importune ; [585]
Je regarde l'amour, et non pas la fortune ;
Et sous un toit de chaume, y vivant avec toi,
Je trouverais encore tous les plaisirs d'un roi :
Tiridate, cruel, vois que je t'abandonne,
Sans regret, sans douleur, trône, sceptre, et couronne, [590]
Usurpe, usurpe tout, et ne me laisse rien
Que ce divin objet, lui seul est tout mon bien ;
Sans lui, toutes grandeurs, me semblent méprisables ;
Avec lui tous les maux me seront supportables ;
Et si de ta bonté, ce trésor m'est rendu, [595]
Tu m'entendras jurer que je n'ai rien perdu :
Mais que d'un vain espoir ma pauvre âme se flatte !
Tigrane n'aime rien, que n'aime Tiridate ;
L'effet de ces désirs n'a garde d'arriver,
Puisqu'il me veut ravir, ce que je veux sauver. [600]
Il n'en veut qu'à mon coeur, il n'en veut qu'à ma femme ;
Le feu qui me consomme, allume aussi son âme ;