Séparez vos destins de ceux d'un misérable ;
Évitez sagement sa perte inévitable ; [290]
Et songez que la vôtre est le plus grand malheur,
Que l'on puisse ajouter à ma juste douleur,
Que l'état soit perdu, que ma perte le suive ;
Qu'un autre soit heureux, que Polixène vive ;
Que de tous mes travaux Tiridate ait le fruit ; [295]
C'est ce que je demande aux dieux qui m'ont détruit.
POLIXENE
Quoi ? Vous croyez, seigneur, que je sois assez lâche
Pour suivre en ce malheur un conseil qui me fâche ?
Il semble que mon coeur, comme vous le traitez,
Ne veuille prendre part qu'à vos félicités ! [300]
Qu'il ne veut point courir vos diverses fortunes,
Et se donner la couche, et la tombe communes ?
Non, non, croyez seigneur, en cette extrémité,
Où le bonheur, le sceptre, et l'espoir m'est ôté,
Que nous ne cédons point à la vertu d'un autre ; [305]
Et que votre destin sera toujours le nôtre.
TIGRANE
Ô coeur vraiment royal, seul bien d'un affligé !