et aussi une compensation à ses regrets de la voir engagée dans si périlleuse aventure. La satisfaction du chef venait ainsi au secours des anxiétés et des scrupules paternels.
La lune, dans son plein, favorisait la marche aux heures nocturnes. Le colonel avait mis à profit cette heureuse connivence des astres pour lever le camp vers minuit et parcourir l’étape avant que la chaleur, si dangereuse, ne fit des victimes parmi ses hommes. Sous ce ciel tonkinois, le soleil, sitôt levé, se voile d’une vapeur grise et lourde, qui pèse sur l’atmosphère que ne vivifie pas un souffle, et plus perfide sous cette brume que l’ardente lumière des Saharas. Alors il est nécessaire de faire halte, dans un endroit ombreux, à l’abri des réverbérations qui, sournoisement, assomment les hommes, les terrassent sous le coup de chaleur presque toujours fatal.
Jeanne avait coiffé un casque colonial qu’un voile vert différenciait seul de celui des hommes. Sa blonde chevelure dénouée mantait ses épaules et abritait sa nuque délicate. Ainsi, elle avait l’air d’une jeune guerrière, agitant des rayons dans les reflets d’une héroïque crinière, et, à la remarque que lui en fit un chef de bataillon, elle répliqua qu’elle était fière de ressembler, au moins sur ce point, à la vierge guerrière, à l’auguste Lorraine, libératrice du sol envahi, dont elle portait le nom. C’était, ajoutait-elle, de favorable augure ; car sa patronne l’en-