pas l’imprudence dont il s’estimait coupable en ayant voulu son enfant près de lui. Certes, rien ne pouvait faire prévoir le forfait de lèse-nation dont se souillaient les envahisseurs par leur injuste invasion. Toutefois, si Sauzède n’eût pas écouté son désir, — bien naturel après tant d’années d’isolement, — de jouir enfin de la présence de son enfant, il ne l’aurait pas exposée aux terribles dangers de l’heure présente.
N’était-ce point aussi un sentiment d’égoïsme qui l’avait induit à différer de deux ans le mariage de Jeanne ? Sans doute, l’argument sur lequel il s’était appuyé avait sa raison : elle était si jeune encore ! Mais était-ce le seul qui avait décidé de sa résolution ? n’avait-il pas songé davantage à lui-même et écouté surtout sa jalousie paternelle ? Dans tous les cas, de sa décision découlaient des conséquences terribles. Son consentement à une union immédiate aurait mis sa fille à l’abri, lui aurait assuré un sûr protecteur, loin des affreuses menaces suspendues à cette heure sur sa tête… peut-être, hélas ! de victime…
En vain, pour le réconforter, Jeanne, à laquelle il ne parvenait point à dissimuler ses scrupules, lui affirmait-elle que, séparée de lui, elle eût connu de pires angoisses ; qu’elle était heureuse, au contraire, d’être à ce moment à ses côtés, partageant les mêmes périls, mais en revanche libérée des affres que lui auraient infligées l’anxiété, l’incertitude où elle eût été de son sort, durant les longues