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gradins remit son moteur en marche. Aussitôt l’oiseau reprit son essor, aux applaudissenents frénétiques des petites mains féminines, qui déchiraient leurs gants dans leurs battements enthousiastes. Salbris salua, puis monta, monta encore, monta toujours, jusqu’à ne plus être aux yeux des spectateurs que l’apparence d’une mouette perdue dans l’espace. Enfin il redescendit et se posa sur l’herbe, à la place même d’où il avait pris son vol.

Tant de maëstria et d’audace avait triomphé même des préventions de ceux venus dans l’espoir d’assister à l’avortement de la tentative du jeune aviateur. La foule était debout, hurlante, battant des mains, jetant fleurs, éventails, mouchoirs, dans un délire. Forcée dans son admiration, la colonie anglaise ne se crut plus en droit de marchander ses suffrages au hardi Français, tout comme, quelques années plutôt, les riverains de Douvres avaient acclamé l’exploit de Blériot abordant leur côtes, après son audacieuse traversée de la Manche. Seul, à l’écart, le sieur Hermann Hofer, sujet allemand, établi depuis peu à Chang-Haï, sous le prétexte d’étudier la création d’une compagnie de navigation fluviale, demeurait glacé, la lèvre pincée dans une morsure de dépit.

Hervé Le Penven s’était précipité vers Salbris et l’étreignait d’une chaude accolade. Les paroles se bousculaient à sa gorge, impuissantes à jaillir de ses lèvres. Enfin il put dire :

« Et maintenant, tu m’emmènes ?