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suivait la carrière aventureuse qui, à quarante-cinq ans, lui avait valu l’aigrette de colonel. Jusqu’alors il n’avait joui de sa fille qu’aux époques des brefs congés passés en France, toujours prêt à courir où une expédition nouvelle promettait les dangers et la gloire. Aujourd’hui, enfin, l’éducation de Jeanne était terminée, les derniers parents proches de l’enfant disparus ; aussi le colonel s’était-il résolu à emmener avec lui sa fille dans ce Tonkin qui semblait assuré d’une sécurité définitive. Pour elle, il renonçait à réclamer de nouveau un poste de combat.

Jeanne Sauzède venait d’accomplir sa dix-septième année. Brune, svelte, nerveuse, elle était d’une taille que sa sveltesse faisait paraître élancée, bien que réellement elle fût plutôt au-dessous de la moyenne. La sève généreuse de son sang s’épanouissait sur ses lèvres empourprées et éclatait dans la flamme claire de ses yeux d’un marron pailleté d’or, dont le regard décelait à la fois la franchise, l’énergie et la bonté.

L’heure du dîner approchait. Les passagers de première classe regagnèrent leurs cabines, pour procéder à la toilette obligatoire sur les grands paquebots. Une demi-heure plus tard, le colonel et sa fille se dirigeaient vers la salle à manger. Salbris se trouva les précéder. Correctement Roland s’effaça, front découvert, pour leur céder passage. Le colonel répondit par un salut gracieux à celui du jeune homme, dont la courtoisie et la bonne grâce captèrent sa sympathie.