accouru au coup de feu de la sentinelle, la trouva râlante sur le sol. Hervé aurait eu le temps de gagner le refuge, si la lune, reparue au firmament, n’eut allongé démesurément l’ombre de sa silhouette fuyante. Une fusillade crépita. Autour de lui les ricochets sifflaient, écorchant la terre ; puis un choc brutal au bras l’avertit qu’il était touché… Il eut la force de reprendre dans sa main valide le bidon que l’autre ne pouvait plus soutenir, et continua à courir, mais d’une allure inégale, déséquilibré par le poids et affaibli par le sang qu’il perdait…
Bientôt il se crut à bout de forces et se désespérait de ne pouvoir au moins atteindre ses hommes pour leur remettre le précieux dépôt ; c’était là son unique souci. Il acceptait la mort, si elle tirait du péril son ami et les siens.
Cependant, au bruit de la mousqueterie, Gilles Troussequin s’était porté au ras de la lisière. Il vit le péril de son officier. Suivi de Pi-Tou-Laï, il s’élança à son secours ; ils l’atteignirent comme il trébuchait, prêt à tomber. Tous deux le soutinrent. Alors, d’une voix expirante, il jeta :
« Les bidons ! Sauvez-les ! »
Sur un signe du Parigot, le Chinois empoigna les deux récipients, tandis que Gilles épaulait contre lui son capitaine et le soutenait d’un bras passé sous les aisselles. À pas lents, ils rétrogradèrent sous la pluie des balles et parvinrent enfin à l’abri des bois, où les Japonais ne pouvaient, la nuit, se hasarder à les poursuivre.