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Si le sommeil ne tarda pas à clore les paupières du Parigot, recru des émotions et des fatigues aussi bien de la journée que de la veille, l’insomnie tint longtemps Salbris assis, l’âme en deuil, près de sa chère « frégate » aux ailes repliées, au cœur éteint, puisqu’il était impossible de lui infuser cette essence, véritable sang de sa vie, à défaut duquel ne pouvaient battre ses artères.

Le malheureux aviateur se rongeait les poings à la constatation de son impuissance subite, alors qu’il était si près du but, ce but qui serait atteint à cette heure sans la fatale blessure de son réservoir… Et maintenant, quelle chance sérieuse lui restait-il de pénétrer dans Cao-Bang, dont l’isolaient d’abord les Japonais et les pirates, puis la surveillance même de ses défenseurs, qui ne laisseraient pas approcher de son enceinte les suspects ? Et Troussequin et lui en seraient forcément à leurs yeux, de même que tous ceux qui pouvaient venir de l’extérieur, puisque les assiégés ignoraient toute tentative faite pour les secourir, et qu’ils pouvaient encore moins soupçonner celle qui leur arrivait.

Et Jeanne ! sa Jeanne si proche qu’il ne reverrait pas !… Car c’eût été folie d’espérer sortir vivant du guêpier dans lequel le laissait le malencontreux projectile qui, tel un grain de sable dans un puissant engrenage, avait suffi à annihiler, au moment suprême, les longs efforts et les obstacles vaincus en vain pour venir expirer au pied du but… Jeanne ! en danger aussi, et