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douleur et d’angoisses pour ce grand homme, si inhabitué à de pareilles catastrophes !

On dit que, vers une heure du matin, le maréchal Molitor, alors fort avant dans l’amitié de Napoléon, ayant voulu lui apporter des consolations, avait essayé, malgré les défenses, de parvenir jusqu’à lui, mais qu’arrivé près de la porte de la chambre où couchait l’empereur, il avait entendu des sanglots et des gémissements, et il s’était retiré dans le désespoir.

Quoi qu’il en soit, le lendemain matin à cinq heures, Napoléon convoqua ses généraux ; il les réunit en conseil, et là, d’un air grave mais non accablé, il leur dit :

— « Nous avons été battus, messieurs… » Et, après avoir poussé un soupir et jeté des regards animés sur ceux qui étaient présents, il ajouta :

— « Mais personne ici n’a désespéré de notre gloire et de la conquête ! »

Comme ils se taisaient, il se leva plus animé : « Non ! personne n’a désespéré ! J’en ai pour gage ma pensée et ma fortune. Rappelez-vous, messieurs, qu’il y a vingt-cinq ans un premier échec devant cette ville fatale fut suivi de la conquête de l’Europe. Cet autre désastre de Saint-Jean-d’Acre m’annonce la conquête du monde. »