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« il y en a un, au moins », ajouta-t-il avec fierté.

— « Peut-être », répondit froidement l’abbé de Lamennais ; et ce mot fut dit de façon qu’on ne savait comment y démêler le doute ou la présomption.

Mais ce mot avait élargi la scène. L’empereur, sans pousser plus loin ces gracieux préliminaires, dévoila à l’abbé de Lamennais les mystères de sa politique ; comment il avait besoin de la religion pour l’affermir ; comment cette puissance fondue dans la sienne la rendrait désormais infaillible. Il ajouta qu’il avait jeté les yeux sur lui pour l’aider dans une réformation universelle du christianisme ; qu’il n’ignorait pas de quelle force sa parole religieuse l’avait rendu le maître. Il lui dit qu’il le ferait pape ; mais, ajouta-t-il, il entendait que le pape ne fût que le second dans ce grand pouvoir, et qu’il ne devait pas penser à s’en arroger la moitié.

La véhémence du discours de l’empereur, et l’admirable éloquence qu’il avait lorsqu’il voulait convaincre et séduire, trouvèrent cependant M. de Lamennais froid et dans une respectueuse résistance. Pour lui, il était loin d’avoir une pareille magie de langage. Sublime dans ses livres, il avait l’improvisation difficile, et