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différence qui doit fixer le sort de l’un et de l’autre, est-ce dans cette vie, ou immédiatement après, lorsque l’âme quitte le corps et le laisse en proie à la corruption ? Or, ni l’une ni l’autre hypothèse ne me donne l’idée d’un jugement équitable. Car, dans cette vie, les bons ne sont point récompensés de leurs vertus, ni les méchants punis de leurs crimes. Je pourrais même ajouter qu’ici-bas la nature mortelle est incapable d’expier la peine de plusieurs péchés, ou de certains crimes énormes. En effet, celui dont la scélératesse aura entassé victimes sur victimes, qu’il soit brigand, prince ou tyran, celui-là pourra-t-il expier tous ses forfaits par une seule mort ? Allons plus loin : l’impie qui s’est fait de la Divinité une idée monstrueuse, qui passa sa vie à l’insulter par ses blasphèmes et par ses sarcasmes, qui n’eut rien de sacré, qui foula aux pieds les plus saintes lois, qui ne respecta pas plus la pudeur des enfants que celle des femmes ; qui mit sa gloire à faire des malheureux, livrant aux flammes les maisons et les habitants, portant le ravage d’une contrée dans une autre contrée ; ensevelissant dans le même tombeau des générations, des peuples, des nations entières, un tel monstre peut-il, dans un corps mortel, suffire à des peines proportionnées à tant de crimes, puisque la mort l’enlève à la rigueur des supplices qu’il mérite, et que sa nature mortelle se trouve trop faible pour expier le moindre de ses forfaits ? Ce n’est donc point dans la vie présente que la justice de Dieu s’exerce dans toute son étendue. Nous allons voir que ce n’est point non plus immédiatement après la mort.

XX. Ou bien, la mort est l’extinction totale de la vie, de manière que l’âme s’évanouit comme un souffle et qu’elle périt avec le corps ; ou bien, l’âme se conservant par elle-même sans se corrompre, ni se diviser, ni se dissoudre, le corps seul périt et se décompose, sans garder aucun souvenir du passé, aucun sentiment de ce qu’il lui est arrivé à l’occasion de l’âme. Si la vie de l’homme s’éteint tout entière, c’en est donc fait : il est vrai de dire que Dieu ne se mêle pas de l’homme, qu’il ne distingue pas le bon du méchant. Alors se reproduit tout ce que nous avons dit d’une vie qui n’a plus de frein, et cette