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plutôt que ce mot a plus d’un sens, et que la différence de durée se mesure sur la différence de nature. Si l’existence des êtres qui subsistent diffère à raison de leur nature, on aurait tort de chercher en nous une continuité de durée semblable à celle qui distingue les purs esprits. Peut-on placer sur la même ligne des substances dont les unes sont supérieures aux autres ? Il ne faut donc pas chercher dans l’homme la continuité d’existence de ces intelligences immatérielles qui ont reçu avec la vie l’immortalité en partage, et subsistent à jamais dans cet état par la seule volonté de Dieu. L’homme, par son âme, est bien immortel depuis la création ; mais par le corps, ce n’est qu’à la faveur de divers changements qu’il peut parvenir à l’incorruptibilité, et voilà la grande raison de cette résurrection dont nous parlons : sans la perdre de vue, nous attendons la dissolution du corps, laquelle doit suivre cette vie d’infirmités et de misères, bien persuadés qu’après viendra le jour qui fera éclore une vie nouvelle exempte de corruption. Nous ne nous comparons point à la brute qui meurt sans retour, nous ne nous égalons point aux purs esprits qui ne meurent jamais : de cette manière, nous n’allons pas légèrement placer au même rang des êtres d’une nature si différente ; et si le mode de durée n’est pas le même dans l’homme, il ne faut pas s’en affliger ni désespérer de la résurrection, parce que la séparation de l’âme d’avec le corps, et la dissolution de ce dernier, semblent mettre quelque interruption dans la continuité de notre vie. Eh ! ne voyez-vous pas que nos esprits venant à s’épuiser, nos fibres à se relâcher, le sommeil paraît suspendre cette vie qui consiste dans le sentiment, et qu’après un repos de courte durée l’homme renaît, pour ainsi dire, tout à coup ? Cependant nous ne craignons pas de dire que c’est la même vie qui continue. Voilà, ce me semble, pourquoi les poëtes ont appelé le sommeil le frère de la mort ; ce n’est pas qu’ils aient prétendu leur donner une même descendance ; mais c’est qu’il existe une grande similitude entre l’état d’un mort et celui d’un homme qui dort : n’est-ce pas le même repos, la même insensibilité pour tout ce qui existe ou arrive en ce moment, ou plutôt n’est-