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ce qui était nuisible et étranger, et débarrassée d’un poids inutile qui pesait sur l’estomac et ne servait qu’à assouvir la faim. Il est évident que, mêlée et confondue avec toutes les parties du corps, elle ne fait plus qu’un avec lui. Tout aliment qui nous répugne, et que la nature n’a pas fait pour nous, a un sort différent : c’est une espèce de poison bientôt repoussé par le corps, s’il y trouve une vigueur et des forces supérieures à la sienne ; s’il triomphe, au contraire, il devient un principe de corruption ; tout ce qu’il rencontre de sain, il l’infecte, il le change en humeurs et en sucs ennemis, rien dans le corps ne peut sympathiser ni s’allier avec lui. Ce qui le prouve, c’est que dans la plupart des animaux de vives douleurs se font sentir quand ils ont pris de semblables aliments : des maladies, la mort même, peuvent être la suite de leur avidité ; car il est possible que, dans ce qu’ils mangent, ils rencontrent quelque suc vénéneux et contraire à leur nature : voilà ce qui détruit le corps. Les aliments accommodés à sa nature lui profitent, ceux qui ne sont pas faits pour lui le corrompent. Si chaque animal a sa nourriture propre, si cette nourriture elle-même ne s’identifie pas tout entière avec la substance qui l’a reçue, si ce privilége est réservé seulement à une petite quantité de chyle purifiée par les diverses transformations qu’elle a subies, et mise en état de s’incorporer parfaitement avec le corps et les parties qu’elle doit nourrir, il est bien évident que tout ce qu’un animal mange contre le gré et l’intention de la nature ne peut s’identifier avec lui. Que devient cet aliment ? Il est repoussé dans son état de crudité et de corruption, avant qu’il ait eu le temps de se changer en un suc dangereux ; ou bien s’il séjourne dans le corps, il ne manque pas de causer des infirmités ou des maladies souvent incurables, qui corrompent les bons aliments et la chair elle-même, parce qu’elle manque alors de suc nourricier. Et quand même, à force de régime et de remède, on parviendrait à chasser cet ennemi domestique ; quand il cèderait à une forte constitution naturelle, il ne quitterait pas le corps sans y laisser de