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ser notre doctrine. Quand on juge un philosophe, innocent ou coupable, on ne le juge pas avant l’examen de sa conduite, sur le nom seul de l’art ou de la science qu’il professe ; on le punit si son crime est prouvé, sans qu’il en rejaillisse aucun déshonneur sur la philosophie elle-même ; car il n’est criminel que parce qu’il n’est pas un vrai philosophe, la science est innocente de son crime et hors d’atteinte ; mais il est absous, si l’accusation est calomnieuse : qu’on nous laisse donc jouir de cette égalité de droit, qu’on examine notre vie, et qu’on cesse de nous faire un crime de notre nom.

En commençant l’apologie de notre doctrine, je dois vous supplier d’abord, grands princes, de m’écouter avec impartialité, de ne point vous laisser entraîner, ni préoccuper par des bruits populaires et absurdes, mais d’accorder à l’examen de notre cause cet amour de la vérité et de la science dont vous faites profession. De cette manière, vous n’aurez à vous reprocher aucune imprudence ; et pour nous, déchargés désormais des crimes que la malignité nous impute, nous cesserons enfin de nous voir poursuivis par la haine.

III. On nous accuse de trois crimes : d’être des athées, de nous nourrir de chair humaine comme Thyeste, d’être incestueux comme Œdipe. Si ces crimes sont prouvés, n’épargnez ni l’âge, ni le sexe ; punissez-nous par tous les genres de supplices ; exterminez-nous sans pitié, nous, nos femmes et nos enfants, si quelqu’un de nous vit à la manière des brutes. Et certes l’animal lui-même ne s’approche point d’un animal de son sexe ; il s’unit selon les lois de la nature pour le seul temps nécessaire à la génération, et non pour se livrer sans frein à ses penchants ; il reconnaît aussi ceux qui lui ont fait du bien. Quel supplice mériterait l’homme qui descendrait au-dessous de la brute ; quel châtiment pourrait égaler son crime ? Mais si on ne trouve là que des accusations et des calomnies dénuées de tout fondement, suite naturelle de l’acharnement du vice contre la vertu, puisque, par un décret divin, une guerre éternelle est allumée entre les êtres d’une nature contraire ; si vous-mêmes vous êtes les témoins de notre innocence, vous qui