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ces cultes monstrueux où tuer un homme était une œuvre sainte, et le manger une chose salutaire. » Les armes et la justice de Rome, les habitudes plus molles du Midi, quelque usage du luxe et même des lettres introduit dans les Gaules, dans quelques portions de la Germanie et de la Grande-Bretagne, adoucissaient la religion féroce des habitants. De toutes parts s’élevaient parmi ces peuplades sauvages des portiques, des thermes et des temples romains : on les poliçait à la fois par les arts et par les vices d’un ingénieux polythéisme ; Rome, alors même qu’elle était l’esclave avilie des tyrans, était la législatrice des barbares. On ne sentait pas dans les provinces le contre-coup de ces fureurs qui dominaient le Sénat, de ces folies qui s’étalaient dans le cirque et dans l’amphithéâtre. Sous Néron, sous Claude, le génie romain continuait au loin à civiliser l’univers : les rites sanguinaires des druides et des barbares étaient refoulés dans le fond des forêts ; les cultes pompeux de l’Italie s’étendaient avec les limites des provinces romaines ; les statues élégantes des dieux de la Grèce remplaçaient les pierres massives et les grossiers fétiches adorés dans le Nord.

Lyon était une ville toute romaine ; elle avait les mœurs et le savoir des plus belles cités de l’Italie : des libraires établis dans ses murs y vendaient les ouvrages des beaux-esprits de Rome. Les provinces septentrionales de la Gaule étaient moins polies ; mais elles subissaient chaque jour davantage les lois, les mœurs et la langue des Romains ; un temple même d’Auguste, élevé sur les bruyères muettes de l’Armorique, était une espèce de progrès dans la civilisation de ces peuples, qui n’avaient adoré longtemps que des pierres teintes de sang.

Les contrées seules de la Germanie qui résistaient aux armes romaines conservaient, avec leur indépendance et leur vie à demi-sauvage, l’âpreté de leurs cultes sanguinaires. Elles ne connaissaient pas de libation plus agréable aux dieux que le sang des captifs romains, et le vengeur de la Germanie, Arminius, avait fait immoler sur les autels des tribuns et les