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fréquentes révolutions du pouvoir, l’ardente curiosité du peuple pour un avenir qui lui semblait toujours une délivrance, l’ambition des prétendants à l’empire, je ne sais quelle frénésie d’un peuple qui avait tout conquis, tout osé, tout souffert, remplissaient les imaginations de mille rêveries bizarres, et donnaient un plein pouvoir à la science menteuse des astrologues. Ils remplaçaient, pour ainsi dire, les oracles et les auspices tombés en désuétude, et la sorcellerie s’était enrichie des pertes du paganisme.

On ne peut lire les écrivains de ce temps et remarquer leur langage, qui est lui-même un trait historique dans leur récit, sans voir avec étonnement cette reprise de la superstition humaine, après les ouvrages de Cicéron et de Lucrèce. On ne trouve partout, dans l’histoire des Césars, que présages, prédictions, astrologues, événements merveilleux. Tibère avait, comme Louis XI, un astrologue près de lui ; Plancine et Pison employaient contre Germanicus les invocations magiques. Galba prétendait à l’empire d’après une prédiction ; d’autres expiaient par la mort le malheur d’avoir été prédits. Vespasien faisait des miracles et guérissait les aveugles aux portes du temple de Sérapis.

Comme il arrive toujours, et comme on l’a vu dans le moyen-âge, cette fausse science de la magie s’appuyait sur des crimes véritables. L’art des empoisonnements servait à réaliser les prédictions astronomiques. Aucun crime ne fut alors plus commun : il était, comme dit Tacite, un des instruments du pouvoir impérial ; il infectait les foyers domestiques ; il semait des périls cachés et d’odieux soupçons parmi les fêtes et l’élégance du luxe romain.

Ce qui restait du culte ancien était encore souillé par la corruption des mœurs publiques ; et la dévotion n’était pas moins impie dans ses vœux qu’absurde dans son objet. Ce n’est pas une rencontre frivole, que l’accord de plusieurs écrivains de cette époque, qui tous dénoncent également les prières impures que l’on faisait dans les temples, les offrandes que l’on adressait aux dieux pour en obtenir des choses honteuses. On