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tout l’Occident et d’une partie de l’Orient, s’établirent dans les vastes contrées qu’ils avaient conquises, en Thrace, en Pannonie, en Afrique, en Espagne, dans les Gaules, en Allemagne, en Angleterre, en Italie, et l’humanité put enfin respirer.

Mais contemplez les grands changements que la conquête et l’établissement des barbares introduisirent dans l’Europe entière. Dès le 7e siècle, il y restait à peine quelques vestiges des arts, de la politesse, de la littérature, de la civilisation et de la jurisprudence des Romains. Les nouveaux vainqueurs de l’Europe n’imitèrent pas ses anciens conquérants, dont ils étaient venus anéantir la puissance ; ils ne respectèrent pas les usages des peuples vaincus, mais ils firent la plus complète, la plus radicale révolution qu’on eût jamais vue dans le monde. Tout ce qui était ancien périt dans ce naufrage des nations : lois, coutumes, mœurs, gouvernements, institutions politiques, formes de justice, formes même de vêtements, langues, et jusqu’aux noms d’hommes et de pays. Tout disparut pour faire place à de nouveaux usages, de nouvelles lois, de nouveaux gouvernements, de nouvelles institutions judiciaires, de nouvelles manières de vivre et de se vêtir, de nouvelles langues, de nouvelles familles, de nouvelles nations. Oui, de nouvelles nations ; car tous les signes caractéristiques qui faisaient reconnaître les anciennes se perdirent pour toujours dans ce mélange, dans cette confusion de barbarie et de civilisation.

Où retrouver ce peuple romain autrefois le maître du monde ? Y a-t-il à Rome une seule famille qui soit en état de prouver qu’elle est issue du sang romain plutôt que du sang barbare ? Nous-mêmes, sommes-nous Gaulois plutôt que Francs, ou Francs plutôt que Gaulois ? Qui le sait ? Ô mortalité de toutes les choses humaines sans exception ! Mais au milieu de cette ruine universelle, l’Église catholique ne cessa pas un moment d’être la même société, professant les mêmes dogmes, le même culte, la même morale et gouvernée par la même succession de pasteurs, succession toujours visible et jamais interrompue. Ô immortalité de l’œuvre de Dieu !

Parlerons-nous de l’ignorance qui fut la suite de la conquête,